Que vaut l'adaptation JAMAIS PLUS du roman éponyme par Colleen Hoover ? Sorti le 14 août dernier dans les salles obscures françaises par Sony, JAMAIS PLUS - IT ENDS WITH US a fait beaucoup parler, mais pas toujours en bien. Son marketing révèle beaucoup de la communication actuelle quand on voit que son réalisateur et acteur principal Justin Baldoni est à contre-courant de la stratégie marketing du reste du casting, des producteurs et de l'autrice elle-même. Alors est-ce une bonne méthode ? Cela a évidemment contribué à faire parler du film et notamment en France où le roman, bien que fortement lu et connu auprès des jeunes, a permis à son adaptation de se rapprocher aujourd'hui du million d'entrées, chiffre qu'il dépassera sans problème. Et pourtant, ce n'était pas gagné, notamment par rapport à son sujet principal : les violences conjugales. Sujet important qu'il faut sensibiliser auprès des spectateurs et des plus jeunes, mais sujet qui ramène difficilement en salle, et ça Blake Lively l'a bien compris. Entre communication sur ses tenues, ses produits pour les cheveux, les désaccords sur le tournage et en postproduction (je rappelle que Blake Lively est productrice exécutive du film et donc possède le droit d'intervenir sur le montage et donc d'être en désaccord frontal avec le réalisateur tout en imposant sa volonté), la machine bien rodée hollywoodienne a transformé une adaptation confidentielle en véritable blockbuster. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que le mari de Blake Lively, Ryan Reynolds alors en promotion de son film Deadpool & Wolverine est également apparu sur la promo de sa femme. Une approche marketing à double vitesse qui a permis d'élever les deux films cet été.
Son succès au box-office est tel qu'il surprend beaucoup. Pour autant, doit-on s'en réjouir ? J'ai envie de vous répondre qu'un succès en salle est toujours positif et notamment pour ce type de film dont j'entends régulièrement qu'il n'a rien à faire au cinéma et qu'une sortie sur plateforme suffirait. Moi qui suis une fervente défenseuse de la salle de cinéma pour tous les genres de film, je ne peux qu'être triste en voyant ce type de commentaire. Certes, je suis très heureuse de son succès, cela va permettre de continuer à légitimer ce type de production, mais également pour le message que le film doit renvoyer. Pour autant, je m'inquiète de ce message qui finalement s'éloigne de ce que le roman défend, ainsi que son réalisateur. Pendant la promotion du film, Justin Baldoni invité dans les Talk Show américains, s'adressait au public en l'alertant sur le sujet du film, en rappelant le numéro d'urgence, mais aussi que c'est aux hommes d'être éduqués et non aux femmes d'avoir à se questionner. Le réalisateur restait concentré sur le sujet principal de son film ainsi que son message central. Quant au reste du casting, il le vendait comme une comédie romantique, invitait les jeunes filles à s'habiller avec des fleurs et à y aller entre copines. Cette communication à deux versants provoque irrémédiablement un questionnement auprès des spectateurices, et notamment à celles et ceux qui ont lu le roman. Comment cela est possible de s'adresser aux spectatrices comme si on vendait Barbie ? Car c'est bien de cela qu'on parle, une façon de rallier au-delà de la salle, comme le rose de Barbie, portons des fleurs pour Jamais Plus. Ce qui est également dangereux c'est la construction du film par rapport au roman, et la manière dont l'œuvre finale lisse le personnage de Ryle quitte à en faire une victime. Combien de réels Instagram, TikTok et divers posts sur les réseaux sociaux montrent des jeunes filles défendre une "Team Ryle" contre le personnage d'Atlas, un homme qu'a connu Lily, l'héroïne, dans son enfance. Comment un film qui doit dénoncer les violences conjugales amène les spectatrices à préférer le personnage qui commet ces actes de violence ? Et c'est en cela que pour moi le film n'est pas une bonne adaptation et est dangereux.
Il m'a été difficile d'avoir un avis tranché à la fin de la projection parce que je dois reconnaitre avoir globalement aimé le film dans son entièreté, pour autant j'en suis très critique pour plusieurs raisons et la principale a été évoquée précédemment. Je ne peux pas cautionner qu'une adaptation d'une œuvre aussi difficile, ne place pas les violences dans une mise en scène forte. Ici tout est fait pour alléger ces violences. Ryle est adouci et la charme de son acteur principal ainsi que sa prestance ne sont pas contre balancé par des aspects plus sombres de sa personnalité comme ce besoin de connaitre ce que fait Lily, avec qui elle est, etc. En comparaison, le Ryle du roman m'a paru être un red flag dès le départ par son approche et sa manière d'être. S'il était important de le montrer séduisant pour comprendre pourquoi Lily tombait amoureuse de lui, a aucun moment dans le film, il y a un basculement qui montre sa personnalité dangereuse. La bande originale est superbe, les décors et costumes également, bien que la plupart des vêtements appartiennent réellement à l'actrice principale donnant cet aspect de ne plus voir Lily Bloom, mais Blake Lively qui joue... toute la mise en scène est belle et immersive donnant une vision parfaite de l'histoire, mais là encore, on regarde trop autour sans réellement s'intéresser au sujet. Le décor doit servir l'histoire, pas la dépasser et d'autant plus avec un sujet aussi important. De même que Blake Lively, pas toujours égale, m'a parfois sortie du film avec ses mimiques. Trop sûre d'elle quand Lily n'est pas sensée l'être. Les cartes sont redistribuées et les actions ne sont pas toujours comprises. Quand Ryle doit avoir le dessus, le jeu de Blake Lively montre une Lily parfois sans crainte. Et les questionnements sur la dualité de "je l'aime, mais il me fait souffrir" ainsi que "je ne suis pas comme ma mère" ne sont finalement jamais mises à nu. La fin défile trop rapidement notamment sur ces questionnements et il n'y a pas assez de flashback pour comprendre les traumatismes d'enfance de Lily. J'ai aimé que dans les scènes de basculement, la mise en scène mette en avant l'incompréhension de Lily et que ses souvenirs soient adoucis par rapport à ce que Ryle lui raconte et son envie de ne pas le voir comme un homme violent. Pour autant, la dernière scène de basculement aurait donc dû être forte et rétablir la vérité. Malheureusement, elle est trop fugace pour vraiment comprendre ce qu'il se joue. J'ai cependant été émue par la scène finale "It ends with us" mais même la scène la plus difficile du roman ne l'a pas été à l'écran. Mon cœur s'est serré uniquement, car j'avais lu les pages de cette histoire, mais pas par rapport à ce que j'étais en train de voir.
J'aurais voulu pleurer, être en colère et triste, je n'ai pas ressenti autant que j'aurais voulu. Le film est trop lisse. Il ne heurte pas, ne bouleverse pas comme le roman du moins. Car le personnage de Ryle existe, et ce n'est pas parce qu'il a du charisme, du charme et parfois de la sincérité qu'il est une personne avec qui on accepte d'être. J'ai aimé le film, mais pas l'adaptation, qui si elle est restée fidèle sur beaucoup d'élément, n'est pas aussi profonde et bouleversante que l'œuvre originale de Colleen Hoover et les réactions de certaines spectatrices sur les réseaux sociaux le prouve.
Je pourrais le revoir, mais je reste mitigée pour toutes les raisons évoquées et si j'ai aimé certains aspects du film, je trouve que le sujet n'est pas assez approfondi pour en faire un film à recommander.
Edit TW : Je tiens à préciser que si je trouve les scènes du film pas assez fortes comme dans le livre car on passe trop vite sur le sujet et on ne le développe pas (pour sensibiliser notamment), ces scènes restent difficiles à voir, et surtout si vous êtes sensibles et/ou avez été confronté à des violences. Je rappelle également que vous n'êtes jamais responsable.
Faire le 17 pour le numéro d'urgence
Faire le 3919 pour l'écoute, demande d'informations
Vous n'êtes pas seules.
Un roman qui m'a bouleversé et une adaptation qui m'a déçu
Comments